XIXe siècle
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Des Illusions perdues à la naissance du cinéma, l’actrice occupe une place de choix dans l’imaginaire du XIXe siècle. Du réalisme au symbolisme, arts, lettres et poésie traduisent ce phénomène social qui trouve sa source dans la vie tapageuse des actrices et dans leurs Mémoires. Ces récits méritent d’être tirés de l’oubli, alors que bien des œuvres romanesques, en proposent des lectures interprétatives: personnage déterminé par le corps chez Zola, Edmond de Goncourt ou Champsaur, figure «idéelle» chez Villiers ou Rodenbach. Au début du XXe siècle, l’évolution est sensible: l’actrice perd en chair ce qu'elle gagne en signe; elle ne sera plus que le point de départ d’un itinéraire métaphorique ou spiritualiste. Ainsi renoue-t-elle, paradoxalement, avec des images fondatrices déjà suggérées par Nerval, Baudelaire ou Hugo. A la lumière des doubles que reflète et suscite l’actrice, cet essai s’interroge sur la fonction de son personnage dans le discours littéraire.
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En se mesurant à certaines représentations codifiées de la mort, l’œuvre de Chateaubriand témoigne à sa façon – dans les Mémoires d’outre-tombe en particulier – de l’ambivalence qui caractérise le concept de Vanités. Cet essai montre en effet comment celui-ci oriente la démarche testamentaire de l’écrivain ; constructions et destructions servent de paradigmes aux questions et aux tensions qui agitent l’œuvre. L’imaginaire de Chateaubriand, son esthétique et sa poétique se forment ainsi, à partir de la littérature, de la peinture, de l’archéologie, en un syncrétisme de traditions antiques, bibliques et classiques, qui permet à l’écrivain de se distancier de l’emprise obsédante de la mort et de l’envoûtement qui lui est associé. Dans une tension permanente entre fascination et ironie, dans une esthétique du mélange, de la rupture et du fragment, le mémorialiste érige son œuvre en monument et donne pour assise à son écriture le spectacle de la vanité du monde, dont la représentation même contient la dénonciation du caractère illusoire.
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«S’il prenait à un homme ambitieux l’envie de révolutionner, d’un seul coup, l’univers de la pensée humaine, de l’opinion humaine, l’occasion est là, la route de la renommée immortelle s’ouvre devant lui, droite et sans embarras. Tout ce qu’il a à faire est d’écrire et de publier un tout petit livre. Le titre devrait être simple, quelques mots ordinaires : « Mon cœur mis à nu». Mais ce petit livre devrait être fidèle à son titre.»
Edgar Allan Poe, Marginalia
Graham's Magazine, January, 1848
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Bête noire des critiques et des bibliographes, les supercheries occupent une place obscure, et parfois honteuse, dans l’histoire de la littérature française. Si l’usage du pseudonyme est un subterfuge banal, il est plus rare – et plus grave, aux yeux des censeurs sourcilleux – qu’un homme ou une femme de lettres attribue ses propres écrits à un être imaginaire. En occultant provisoirement sa responsabilité personnelle, en laissant croire à la réelle existence d’un personnage de pure invention et à l’authenticité de ses œuvres, le simulateur se rend coupable de supposition d’auteur. Sont ici réunis une trentaine d’auteurs effectivement supposés par des écrivains célèbres (Sainte-Beuve, Mérimée, Louÿs, Gide, Larbaud, Apollinaire, Vian, Queneau, Gary…) ou de moindre renommée (Desforges-Maillard, Fabre d’Olivet, Vicaire, Picard, Gandon…). Le corps de l’ouvrage comprend une partie strictement anthologique où figurent, d’un côté, les textes de présentation (généralement biographiques) relatifs aux auteurs supposés, de l’autre, plusieurs " morceaux choisis " de leur production. Des notices spécifiques précisent en outre comment furent conçues, puis reçues, " la vie et l’œuvre " de chacun.
En fin de volume, une étude de synthèse examine l’ensemble des techniques utilisées dans ce genre de supercherie : une typologie des auteurs imaginaires et des auteurs pseudonymes permet de cerner en particulier les différences entre texte apocryphe, plagiat, pastiche et mystification proprement dite. L’analyse de ces stratégies falsificatrices s’appuie régulièrement – au besoin pour les critiquer – sur les travaux de Barbier, Quérard, Nodier, Lacroix, Lalanne, Augustin-Thierry et Wirtz, tous experts en ces délicates et brûlantes questions de littérature légale.
Jean-François Jeandillou, Professeur à l’Université Paris X-Nanterre, est membre de l’Institut universitaire de France. Il a notamment publié un essai sur l’Esthétique de la mystification (éd. de Minuit, 1994) et l’Analyse textuelle (Armand Colin, 1997).
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Prométhée, c’est le symbole de l’intelligence humaine, de la création, de l’art et de la science; c’est aussi le savant torturé par la recherche, le philosophe par la vérité, le révolté contre toute autorité, le premier champion de la liberté métaphysique. Eschyle, Boccace, Calderon, Goethe, Schelley, Bourges entre autres furent fascinés par le voleur de feu. L’ouvrage de Raymond Trousson déploie l’éventail des interprétations dont le héros de la mythologie grecque a fait l’objet en même temps qu’il décrit son évolution chronologique à travers la littérature occidentale. C’est l’odyssée séculaire d’un des symboles inhérents à notre conscience que nous voyons se dérouler au fil des pages.
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Malgré la pluralité des sujets et la diversité des formes d'écriture, malgré les nombreuses – et bien connues – contradictions de l'homme, une unité profonde se dégage de l'œuvre de Constant, qui va de la fiction à la chronique, du public au privé. C'est cette unité, souvent méconnue, que l'essai de Filomena Vitale se propose de mettre en relief, à travers le leitmotiv de la culpabilité. Comprise dans ses conceptions théologique, philosophique et psychanalytique, la culpabilité semble atteindre toute la production constantienne, se manifestant à plusieurs niveaux de langage et, bien sûr, selon des modalités différentes.
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Zélé partisan de la Paix perpétuelle, comme il s’est lui-même défini, Jean-Bénédict Humbert (1749-1819) est une figure de la Révolution genevoise. Il s’est efforcé à la réalisation pragmatique de thèses rousseauistes préconisant un retour à l’état de nature et défendant la simplicité des mœurs. En ajoutant à Rousseau, son modèle initial, des personnalités comme William Penn et Benjamin Franklin, il a appelé également à l’imitation des pères fondateurs des Etats-Unis. Défenseur, tout au long de son existence, d’un projet égalitaire, il a recommandé la répartition juste du territoire, un mode rationnel de vie rurale, un modèle d’autosubsistance, et, comme corollaire de cette refonte économique, la réforme constante des mœurs.
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